Plusieurs facteurs ont contribué à la confusion ambiante lors de l'implantation de SAAQclic. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Comme on a pu le constater, plusieurs facteurs ont contribué à la confusion ambiante lors de l’implantation de SAAQclic.
Ce projet de refonte des systèmes de la SAAQ ne date pourtant pas d’hier. En 2018 déjà, les médias parlaient d’un projet nommé CASA (Carrefour des services d’affaires), l’ancêtre de SAAQclic. Son objectif était d’offrir de nouveaux services en ligne aux différents usagers de la société d’État.
Rappelons que ce projet n’est pas une simple conversion des systèmes, mais aussi des données. Je ne connais aucune conversion qui est simple. C’est toujours plus complexe qu’on l’imagine. Vouloir tout convertir en même temps – par nécessité ou pour créer un effet «big bang» –, pose souvent problème.
Et c’est ce qui s’est passé avec le déploiement de la plateforme, comme je vous l’expliquais dans un précédent billet. Non seulement le moment de lancer l’opération a été mal choisi, la livraison a d’après moi aussi été précipitée. L’expérience usager en a pris pour son rhume puisque certaines opérations autrefois simples se sont complexifiées, et les données nécessaires à l’authentification sont difficiles à obtenir.
Une complexité sous-estimée?
Nul ne saurait ignorer la complexité qu’un organisme gouvernemental comme la SAAQ. Il y a des lois, des règlements et des exceptions. Qui plus est, la SAAQ sert non seulement des citoyens, mais aussi des entreprises, des conducteurs de camion, des concessionnaires automobiles, des chauffeurs de taxi, des producteurs agricoles et j’en passe. L’aurait-on sous-estimée?
Même si une solution numérique (un progiciel) permettait de répondre à 80% des prestations offertes, c’est souvent sur les 20% résiduels qu’un projet s’enlise.
Comme je l’écrivais dans un billet passé, aucun progiciel sur le marché ne peut répondre à une règle du genre « pour être admissible au programme X, le client doit être né un soir de pleine lune le premier samedi d’une année bissextile et avoir les yeux pers, mais qu’il y a une exception si son nom de famille débute par la lettre W », sans devoir faire de développement.
Or, pour réaliser ce développement, il faut bien connaitre et comprendre les lois et les règlements. Ce qui ne semble pas toujours évident lorsqu’une partie du travail est réalisé par des sous-traitants ne vivant pas au Québec et ne parlant pas français.
Une question d’impact
Plusieurs chroniqueurs, commentateurs et experts ont exprimé leur opinion et leur point de vue. Certains blâment la haute direction, d’autres la gestion du projet, la technologie, les employés de la fonction publique ou les sous-traitants. Mais tous s’entendent sur le fait que ça a foiré quelque part à un moment donné.
De plus, pour faire face à l’afflux de clients qui éprouvaient des difficultés à utiliser ses services en ligne, la SAAQ a augmenté le nombre d’employés en centres de services. Dans certaines régions, on a bonifié les heures d’ouverture. On a même loué des roulottes pour éviter que les gens n’attendent au froid. C’est ce qu’il fallait faire dans les circonstances.
Mais combien tout cela coûtera-t-il? Aurait-on pu éviter cette situation pénible pour les citoyens, les employés et la SAAQ? Poser la question, c’est y répondre.
Fort de ces constats sur les ratés de cette opération d’envergure, je me permets humblement de faire trois recommandations à toutes les organisations – publiques ou privées – qui débuteront bientôt ou qui réalisent actuellement un projet de transformation numérique :
1. Assurez-vous de bien comprendre le domaine et les règles d’affaires, le travail des employés et les besoins et attentes des clients. Comme vous le savez, le diable se cache dans les détails.
2. N’oubliez pas qu’une transformation numérique s’inscrit dans un écosystème complexe comprenant notamment les clients, les employés, les anciennes et les nouvelles façons de faire, les liens avec les autres systèmes, les données, la formation des employés et le moment où tout cela sera déployé.
3. Pensez constamment à l’impact de chacune de vos décisions sur les clients et les employés. Quand j’ai vu à la télévision des gens – parfois désemparés – patientant plusieurs heures en point de services, quand j’ai lu dans les journaux que des employés pleuraient pendant leur pause, je crois que l’on n’a pas suffisamment pensé à eux.
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