Pour que votre succession profite de vos biens immobiliers
Charles Poulin|Publié le 06 Décembre 2023(Photo: 123RF)
En matière d’immobilier, plusieurs règles fiscales entrent en jeu lors du décès d’une personne. Même avec un testament en ordre et bien rédigé, il peut être difficile de savoir exactement comment permettre à sa succession de tirer profit au maximum de ses biens une fois l’arme passée à gauche.
Voici un aperçu de quelques conseils et stratégies du point de vue fiscal qui permettraient à vos proches d’en mettre plus dans leurs poches.
Une créance et non un droit
Première chose à comprendre, le partage du patrimoine familial ne donne pas un droit de propriété sur un bien immobilier, rappelle le directeur général de l’Association professionnelle des notaires du Québec (APNQ), Me François Bibeau.
« On calcule la valeur partageable du bien, précise-t-il. Ce n’est pas un droit de propriété, c’est une créance. »
Ainsi, l’épouse du défunt pourrait avoir droit au partage du patrimoine familial sur le chalet de monsieur. S’il a décidé de léguer le chalet à ses enfants, il y aura un calcul à faire, la partie de madame deviendrait une dette à la succession et les enfants recevraient tout de même le chalet.
« Et ce n’est pas toujours la pleine valeur du bien qui entre dans le patrimoine familial, c’est la valeur partageable », ajoute-t-il.
Type de propriété
Différents types de propriétés occasionneront différentes conséquences fiscales, note François Bibeau.
Tous les biens, immobiliers ou autres, sont réputés avoir été disposés au moment du décès. Dans le cas de l’immobilier, ce sera à sa juste valeur marchande. Le gain en capital réalisé sera alors imposé.
« La résidence principale profite toutefois d’une exemption pour gain en capital, souligne-t-il. Mais il faudra payer de l’impôt sur le gain en capital des résidences secondaires ou des immeubles à revenus. »
Pour ces derniers, il faut conserver les preuves de dépenses (par exemple, des rénovations) qui pourraient réduire le gain en capital.
Désignation de la résidence principale
Il est possible d’utiliser la désignation de résidence principale sur plus d’une propriété pour profiter de l’exemption de gain en capital le plus élevé, explique la directrice principale en fiscalité à Raymond Chabot Grant Thornton, France Vézina.
Il faut toutefois que les propriétés aient été utilisées à des fins personnelles et non pour générer du revenu et que la personne en ait été propriétaire lors des années de désignation comme résidence principale, observe-t-elle.
Par exemple, si le défunt a acheté une maison en 1980 ainsi qu’un chalet en 1995 et décède en 2023, la succession pourrait sélectionner la propriété qui a enregistré le plus fort gain en capital entre les années 1995 et 2023 et la désigner comme résidence principale pour profiter de l’exemption.
Si le défunt a vendu une résidence pendant cette période, il faut s’assurer que l’exemption n’a pas déjà été utilisée pour ces années.
« Attention, prévient-elle. On ne peut pas faire de planification fiscale rétroactive, c’est interdit. On ne peut retourner en arrière pour aller modifier des déclarations de revenus si la raison est la planification fiscale rétroactive. »
Il vaut donc mieux fournir l’ensemble de son historique de détention de propriétés à son fiscaliste pour lui permettre de réaliser une analyse assez détaillée de son dossier, suggère-t-elle.
Roulement
Il existe une situation qui permet de reporter l’impôt, mentionne également France Vézina. Si le défunt lègue ses propriétés au conjoint survivant, il y aura alors un roulement qui permettra de reporter la disposition présumée des propriétés et, ainsi, le déclenchement du gain en capital à la mort du conjoint survivant.
« Si ces biens sont entièrement légués au conjoint survivant et qu’il est résident canadien, il y a application automatique d’une règle qui veut que les biens soient transmis au conjoint au coût payé par le contribuable décédé », indique-t-elle.
Le roulement sera évalué bien par bien, immeuble par immeuble, précise France Vézina. Il s’applique autant pour la résidence principale pour que les résidences secondaires et les immeubles locatifs, mais aussi aux conjoints mariés et conjoints de fait.
Petit point très important : il vaudrait mieux inscrire dans le testament ces legs particuliers pour éviter une interférence du régime de partage du patrimoine sur les immeubles visés.
« Sinon, le conjoint pourrait se retrouver propriétaire de l’immeuble avec un de ses enfants ou sa belle-famille, affirme-t-elle. Le conjoint ne serait donc pas 100% propriétaire et ne pourrait pas se prévaloir du roulement. »
Et votre loyer?
La situation peut se révéler plutôt complexe lorsqu’il est temps de léguer vos biens immobiliers, mais qu’en est-il si vous n’en avez pas et résidez à loyer?
Malheureusement pour la succession, le décès du locataire ne met pas fin au bail, indique le Tribunal administratif du logement. Le loyer doit donc ainsi être payé en son entièreté.
Dans le marché actuel, toutefois, les chances sont minces pour que la succession doive payer plus que quelques mois.
« Ce qu’on voit, c’est souvent que le locateur va demander quelques mois de loyer seulement pour casser le bail, remarque François Bibeau. La porte de sortie pour la succession est de sous-louer le logement, et le locateur préfère ne pas avoir à composer avec un sous-locataire. »
François Bibeau souligne que les résidences pour personnes âgées, qui ont souvent une liste d’attente, ont habituellement une clause dans le bail qui traite de la procédure lors du décès du locataire.