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Femmes en jeu vidéo: une chercheuse est optimiste

Catherine Charron|Publié le 28 février 2023

Femmes en jeu vidéo: une chercheuse est optimiste

Gabrielle Trépanier-Jobin, chercheuse, détentrice d’un PhD et professeure à l’Université du Québec à Montréal (Photo: courtoisie)

INDUSTRIE DES TI. Dans la foulée des reportages alléguant une culture « toxique » dans l’industrie du jeu vidéo (de 2018 à 2021), la chercheuse Gabrielle Trépanier-Jobin a entrepris de mesurer l’ampleur réelle du phénomène en conduisant une vaste étude sur la diversité, l’équité et l’inclusion de ce secteur. Celle qui est aussi détentrice d’un PhD et professeure à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) a accepté de nous partager les résultats de son étude en cours de rédaction. Selon ses mots, le portrait s’annonce « moins défavorable que la couverture médiatique peut laisser croire ». 

Le cœur de l’étude repose sur un vaste sondage mené à l’été 2021 auprès de 1532 artisans travaillant dans des studios présents au Québec. Ces personnes ont été questionnées sur leur vécu dans l’industrie : s’y sentent-ils à leur place ? Ont-ils la liberté d’exprimer leurs idées sans jugement ? Ont-ils déjà reçu des commentaires sexistes, racistes ou subi du harcèlement ? Croient-ils à leurs chances de promotion ? Sont-ils équitablement rémunérés ? 

Après l’analyse du poids des échantillons selon le genre, la chercheuse conclut que des pourcentages « similaires » de femmes (62 %) et d’hommes (66 %) se sentent « tout à fait » à leur place chez leur employeur, et des pourcentages « similaires » de femmes (50 %) et d’hommes (48 %) obtiennent « tout à fait » la reconnaissance méritée. Toutefois, il existe un écart « significatif » entre les pourcentages de femmes (54 %) et d’hommes (64 %) qui peuvent « tout à fait » s’exprimer sans se faire juger, et entre les pourcentages de femmes (58 %) et d’hommes (44 %) qui ressentent « tout à fait » le besoin de faire leurs preuves. 

Sur les questions de l’équité salariale, du sexisme et du harcèlement, les réponses sont plus clivées. D’une part, un homme a cinq fois plus de chance qu’une femme d’obtenir un salaire de plus de 136 000 $ par année (10 % versus 2 %). Alors que, d’autre part, une femme a trois fois plus de chance qu’un homme de recevoir des messages à caractère sexuel de la part d’un collègue (19 % versus 6 %) et quatre fois plus de chance d’être touchées de manière inappropriée par un collègue (17 % versus 4 %).

De manière générale, Gabrielle Trépanier-Jobin juge les taux du sondage « encourageants » sur certains aspects et moins sur d’autres. « Une majorité de femmes se sentent à leur place [plus de 60 %] et n’ont jamais reçu d’avances non sollicitées ou vécu de harcèlement [80 %] », fait-elle valoir.

La chercheuse de l’UQAM concède qu’il existe des différences « significatives » entre le niveau de « confort, de confiance et de satisfaction » des hommes et des femmes face à l’employeur. Elle refuse toutefois de peindre un portrait noir de l’industrie. « La couverture médiatique des dernières années donne l’impression qu’une femme qui décide de travailler dans ce milieu va inévitablement souffrir, être victime de sexisme ou de harcèlement. Or, ces chiffres montrent que c’est loin d’être une fatalité », insiste-t-elle.

Dans un second sondage soumis à la direction des studios, on apprend que 67 % des employeurs de l’industrie ont une politique sur la discrimination et 63 % en ont une sur le harcèlement. « Il y a donc encore place à l’amélioration », indique Gabrielle Trépanier-Jobin.

La réaction d’Ubisoft 

Lorsque nous avons sollicité Ubisoft pour obtenir sa réaction, la porte-parole Leslie Quinton nous a expliqué être bien au fait de l’étude, puisque le studio montréalais y a participé et en a consulté les résultats dès qu’ils ont été disponibles. « L’étude reflète ce que nous voyons dans nos propres sondages d’engagement, dit la porte-parole. Sur des questions telles que “est-ce que je me sens respecté ?” et “est-ce que mon environnement de travail est respectueux et sécuritaire ?”, nos notes annuelles sont toujours très élevées, voire au-dessus de la moyenne [de l’industrie]. » 

Et qu’en est-il des comportements sexistes et du harcèlement allégués dans les reportages de 2020 ? Pour la porte-parole, ces histoires demeurent « des exceptions » dans une organisation qui compte plus de 4000 employés à Montréal. La bonne nouvelle, précise-t-elle cependant, c’est que ces exceptions sont devenues « un moteur de changement », qui a amené Ubisoft à être « plus sensible » et à « redoubler d’efforts » pour s’améliorer en la matière. Depuis les reportages, Leslie Quinton explique que les processus RH existants ont été renforcés, puis un poste de vice-présidente de la diversité et de l’inclusion a été créé. 

Questionnée à savoir quel est aujourd’hui le défi d’Ubisoft dans le dossier, la porte-parole répond sans hésiter : recruter plus de femmes dans l’industrie. « Nous investissons à peu près un million de dollars par année, juste à Montréal, pour encourager les femmes et les filles à entrer dans le monde des technos. » Ubisoft contribue à cette cause en accordant des bourses et des stages d’études, puis en soutenant des organismes comme Fusion jeunesse et Girls Who Code.